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On ne badine pas avec « les z’amours »

On ne badine pas avec « les z’amours »

Publié le : 22/04/2022 22 avril avr. 04 2022

Aux termes d’un arrêt en date du 20 avril 2022 (pourvoi n°20-10.852), la Chambre sociale de la Cour de cassation décide que le licenciement d’un animateur de jeu de télévision ayant fait une « blague » sexiste, était, au regard de divers facteurs, une sanction proportionnée qui ne porte pas une atteinte excessive à la liberté d'expression garantie à un salarié.

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Dans l’émission « les Z’amours », l’animateur connu sous le nom de « Tex » mettait en compétition des couples à l’épreuve de questions posées sur leur vie amoureuse.

À la fin de l’un des programmes, il lui a été proposé de faire une ultime plaisanterie, qu’il a formulée en ces termes : « Comme c’est un sujet super sensible, je la tente : les gars vous savez c’qu’on dit à une femme qu’a déjà les deux yeux au beurre noir ? – Elle est terrible celle-là ! – On lui dit plus rien on vient déjà d’lui expliquer deux fois ! ».

Quelques jours plus tard, au cours de l’enregistrement d’épisodes du jeu dont il était l’animateur, l’intéressé a fait allusion aux critiques que lui valait sa plaisanterie et y a ajouté des propos de même nature.

Licencié pour faute grave, l’animateur a saisi le Conseil de prud’hommes, invoquant une atteinte à sa liberté d’expression et une mesure disproportionnée.

Débouté par le Conseil de prud’hommes et la Cour d’appel, l’animateur a formé un pourvoi en cassation.

Liberté d’expression et relations de travail

La liberté d’expression est protégée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. Elle s’applique dans la relation de travail.

La chambre sociale de la Cour de cassation juge depuis de nombreuses années que, sauf abus, le salarié jouit de sa liberté d’expression dans l’entreprise et en dehors de celle-ci.

Cette liberté peut faire l’objet de restrictions justifiées par la nature des tâches à accomplir.
Mais ces restrictions doivent être proportionnées au but recherché.

Selon la Cour européenne des droits de l’Homme, un juge saisi d’un licenciement fondé sur les propos tenus par un salarié doit vérifier :
  • que la possibilité pour l’employeur de s’ingérer dans la liberté d’expression est prévue par la loi ;
  • que cette limitation de la liberté d’expression poursuit un but légitime ;
  • que le licenciement est nécessaire et proportionné au but légitime poursuivi par l’employeur.

Limitation de la liberté d’expression et proportion

Dans cette affaire, l’animateur salarié était tenu par son contrat de travail de respecter une charte par laquelle il s’engageait à ne tenir aucun propos à connotation sexiste. Dès lors, le fait de tenir ces propos constituait une faute contractuelle.

Dans son arrêt, la Chambre sociale juge que :
  • La limitation de la liberté d’expression poursuivait un but légitime, caractérisé par la nécessité d’une lutte contre les violences domestiques et les discriminations à raison du sexe  (affaire Weinstein, libération de la parole des femmes sur les réseaux sociaux avec les mouvements « #MeToo » et « #BalanceTonPorc », annonce par le Président de la République de mesures visant à lutter contre les violences sexistes et sexuelles, etc.).
  • Le licenciement était proportionné au but légitime poursuivi par l’employeur et ce, d’autant que dans les jours suivants l’émission, l’animateur s’est montré satisfait de la polémique, tout en tenant, à plusieurs reprises, des propos misogynes et injurieux à l’égard des candidates.

Compte tenu de cette réitération de propos sexistes, banalisant les violences faites aux femmes, et du risque commercial qui pesait sur la société de production, la chaîne de télévision menaçant de ne plus diffuser le programme, le licenciement de l’animateur ne portait pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression garantie au salarié.

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La Cour de cassation rappelle ainsi, une nouvelle fois, que la liberté d’expression n’est pas sans limite ; pour autant, un humoriste a toujours le droit de faire une « blague » à la télévision.

Tout est affaire de circonstances et de stipulations contractuelles.

Dans la présente espèce, c’est précisément au regard, d’une part, des clauses prévues dans le contrat de travail de l’animateur, d’autre part, des circonstances ayant caractérisé la « blague », que le licenciement a été jugé comme ne constituant pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression du salarié.

Nouvelle illustration de ce que la renommée n’autorise pas tout.

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